Sous l’impulsion de ses deux associés pour le meilleur et unis encore et toujours pour atteindre le Graal de l’excellence, Gaby Benicia et Amélie Darias, l’Auberge du presbytère à Vailhan (Hérault) baptisée l’«Aponem» connaît depuis 2018 un nouvel élan avec vue imprenable et bucolique plongeant sur le barrage des Olivettes. Loin du stress et des frivolités mondaines des grandes métropoles, un petit coin de paradis pour les gourmands gourmets, même les plus blasés d’entre nous, dont on a pris au passage, principe de précaution (hédoniste) oblige, la température… des papilles en goguette.
Cheffe Amélie
Dans la droite lignée gastronomique de Michel Bras et d’Alain Passard, conjuguant avec brio produits de saison provenant du potager maison, vins « nature » en biodynamie classés par millésime, ce restaurant étoilé tenu de main de maître(sses) par deux jeunes femmes a été sacré meilleure table 2019 par le « Fooding ». Son credo culinaire qui réconcilie le corps et l’esprit, la nature et la culture : « Se rapprocher de l’essentiel, de nous-mêmes et des produits de saison cultivés sans intermédiaire ». Après s’être fait la main (et le tour de main) dans une autre vie près du canal Saint Martin et failli acquérir le restaurant « La Côte Rôtie » à Paris, les deux complices en cuisine et en salle Gaby et Amélie, cette dernière formée à l’école Bristol du chef Eric Fréchon, ont saisi en 2018 au vol l’opportunité de donner un nouveau élan à l’Auberge du presbytère (datant du XVIIe siècle). D’abord en rénovant le lieu et d’abord en cassant les murs pour créer un endroit convivial et haut perché, ensuite en s’affranchissant de « ces règles alimentaires rigides appliquées comme des diktats » tout en misant sur « l’inspiration du moment ».
Pari ambitieux fort réussi et sans fausse note comme nous avons eu le privilège de constater in situ et de visu le 12 octobre dernier.
Avec 20 couverts (12 avec la pandémie) et ouvert du vendredi au lundi inclus, l’Aponem semble avoir trouvé son rythme de croisière et son « bonheur (« aponem » signifiant bonheur en Pataxo, un dialecte indien du Brésil dont est originaire l’omniprésente en salle Gaby). La crise de la pandémie semble avoir épargné, du moins pour l’instant, cette auberge du Presbytère dans ce village sudiste d’une centaine d’âmes, dont certaines hantent ce resto étoilé à l’ombre d’une petite église romane et du potager maison. Un exorcisme efficace pour une sacrée cuisine qui marque les esprits frondeurs les plus sceptiques.
« Ceci n’est pas un oeuf »
Lors de cette farandole personnalisée et ritualisée de six plats épurés, aux saveurs authentiques et colorées, sans compter les amuses bouche (Pão de quejo, Tempura de consoude, Makis végétaux à base de feuille de blette, concombre, chlorophylle de persil et cacao cru, tartelettes : baba ganoush / persillade et olive verte ) et la noria de desserts (Pastille givrée Yuzu café, tuile chocolat et orange crème de maïs doux « Autour de la courge…. », Meringue marbrée au laurier, crème diplomate au kumbawa),
Nous avons tous trouvé notre « bonheur » sous l’oeil pétillant et complice de Michel Drapier et de sa fille, eux aussi, comblés et séduits par ces accords mets/vins concoctés avec amour par la fine et jeune équipe de l’Aponem.
Michel Drappier dégustation
Au menu du jour dans l’ordre précis du service à table :
1) La cueillette de 10h à base de légumes du jardin et crème au citron confit. On note d’emblée l’Importance de la présentation théâtralisée sur le premier plat.
2) La pomme de terre fumée, huile de ciboulail (poireaux sauvages) et bouillon de pain grillé. Il s’agit ici d’apporter une aspérité qui permet de romancer le plat et susciter l’intérêt des clients.
3) « Ceci n’est pas un œuf » giroles et beurre noisette à l’ail noir : une alchimie étonnante de textures inédites qui a fait l’unanimité des heureux convives reconnaissants. La découverte et l’originalité du plat est un point important créateur d’émotion chez le convive.
4) Saint Jacques cuites au naturel, réduction de cidre et poutargue : un modèle de tradition et de modernité à la fois diététique, équilibré et goûteux
5)Thon rouge de ligne mariné à l’huile de macération de basilic, fumé au bois de pommier et sa crème de chorizo ibérique. Toujours cette recherche d’une aspérité dans ce plat en jouant avec les notes de fumé.
6) La poulette de l’Aveyron rôtie sur son coffre, blette et piquillos, jus éternel.
La découverte et l’originalité est un point important au restaurant car créateur d’émotion.
« Tout ça pour ça » dans le respect des distances sociales et la mise en scène du produit de saison et de proximité. Le tout bien accompagné de champagne brut nature sans souffre en apéritif et toute une belle gamme variée de cuvées pétillantes en blanc et en rosé au cours du repas découverte jusqu’au dessert (avec un demi sec). Bon appétit ! Santé !
La brésilienne et associée Gaby omniprésente en salle pour les accords mets/champagne
* Ouvert du vendredi midi au lundi soir, l’Aponem 1, Impasse de l’Eglise à Vailhan (34) Tél : (33)4 67 24 76 49. www.aponem-aubergedu
presbytere.fr
menu unique : 89 euros sans les vins
Christian Duteil/La Radio du Goût/ octobre 2020