La petite madeleine de Marie-Victoire: Les morts-vivants

escargot En 1958 ou peut-être 1959, le héros de cette histoire ne se rappelle plus très bien, en tout cas il portait encore des culottes courtes, en 1958 ou 1959 donc, arrivent en gare de Foucherans près de Dôle, deux wagons clos. Ceux-ci viennent d’un pays de l’est non identifié dans mon histoire ; une certitude toutefois, c’est au-delà du Mur, donc communiste voire soviétique. Ces wagons transportent en urgence la matière première indispensable au bon fonctionnement des usines Ménestrel dont l’activité principale est la mise en boîte de cagaroles autrement appelés escargots.
 
Seulement voilà, en cette belle année 1958 ou 1959, il y a grève à Foucherans. Les wagons restent en plan sur la voie. Et on attend. On attend quoi ? Nul ne sait, mais on attend. Et il fait chaud. Très chaud. Les usines Ménestrel pleurent leur matière première perdue, mais ne perdent pas le nord : il y a des polices d’assurances pour couvrir ce genre de mauvaises surprises. Et de faire venir les experts en avarie. Ceux-ci ouvrent les wagons : les coquilles sont grillées, les escargots occis, bref, la marchandise est fichue. Alors l’assurance paye, et les wagons sont vidés à la décharge locale pour repartir illico à l’est.
 
Soudain il pleut.
 
Les escargots sortent de leurs coquilles ; ils s’y étaient réfugiés en mode survie, hibernons, vite hibernons, même si ce n’est pas de saison. Et de s’échapper de la décharge, de filer sur la route. Imaginez deux wagons pleins d’escargots : c’est la cohue, l’invasion, une hallucination ! Notre héros et beaucoup d’autres se mettent à courir à toutes jambes chez eux pour récupérer qui un sac à patate (ces gros sacs en toile de jute que l’on voit encore au marché), qui un seau, qui une bassine. Et de remplir les contenants à pleines mains. Lui poussait les bestioles dans son sac à patates, vite, vite, du plat des deux mains. En me racontant cette histoire vieille d’un bon demi siècle ses mains se sont mises en mouvement sur la nappe blanche du déjeuner : il remplissait son sac à patate ! Dites-moi, c’est pas beau la vie ?

Marie-Victoire BERGOT pour laradiodugout.fr

2 Responses

  1. Derex dit :

    Wow! Great thiknnig! JK

  2. Michèle dit :

    chi va piano va lontano …. savent y faire les cornus, zont de l’expérience 😉