Volaille de Noël ©DR
« Notre patrimoine génétique influe sur notre goût. Le goût, c’est ce que nous percevons avec nos sens, mais c’est aussi ce que notre cerveau interprète. C’est parce ce que nous n’avons pas tous les mêmes sensations mangeant ou en buvant du vin. Le goût ne diminue pas vraiment avec l’âge » (Claire Sulmont-Rosé, directrice de recherche à l’Inrae)
Avec trois millions de volailles vendues chaque année en décembre, chapons, poulardes et dindes fermières sont incontestablement les stars de Noël. Peu importe le prix qui suit l’inflation galopante – de 100 euros pour un chapon jusqu’à 120 euros pour une oie !, les clients, même aux fins de mois difficiles, sont au rendez-vous et croient, à défaut du Père Noël, à la poule de luxe qui correspond au goût festif et sacré du rituel du réveillon réussi.
Un marché ultra-sélect que le grossiste Marc Hervouet n’hésite pas à comparer aux « collections de haute couture. Au moment de Noël, on ne va vraiment vendre que du luxe ». Autant dire que les précieux gallinacés sont chouchoutés et cajolés pendant presque une année avant d’arriver sur les tables. Comme des cocottes de luxe !
Mais qu’est-ce qu’une bonne volaille qui n’a pas de prix en cette fin d’année de réveillons à répétition ? Etre élevée au grand air, sans stress et nourrie sainement. Mais pour les poules de luxe, c’est encore plus strict et contraignant.
Celle qui tient le haut du pavé, la volaille de Bresse (reconnaissable à son plumage blanc, sa crête rouge et ses pattes d’un gris bleuté), est ainsi nourrie selon la tradition ancestrale : un mélange de maïs, de blé et de produits laitiers. Autre spécificité, elle doit être « roulée » dans une toile végétale cousue à l’aiguille. Ce savoir faire traditionnel unique en France est non seulement un moyen de conservation (21 jours), mais aussi une manière de rendre sa chair plus tendre.
Si vous avez un faible pour la dinde à Noël, optez pour la noire du Gers, autre territoire d’exemption et béni pour la volaille fine et privilégiez le Label rouge.
Et pour ne pas être le dindon de la farce, il faut éviter à tout prix les poulets et dindes issus d’élevages intensifs qui pratiquent le « chaponnage », une pratique de castration à vif de jeunes coqs destinés à la production de chapons afin d’obtenir une viande au goût tendre et moelleux…. qui nous ferait presque encore croire au Père Noël.
Le chapon est la volaille préférée du chef Jean-François Piège. Oui mais voilà, le chapon est « dur à cuire », comme le reconnaît le chef du Grand Restaurant. Lorsque l’on n’est pas sûr de ses talents, « mieux vaut prendre une poularde de Bresse » selon lui. « Si vous avez un très bon paysan à côté de chez vous qui vous fait une belle poularde, ça suffira », explique-t-il. Le chef préconise de la faire préparer, puis de l’agrémenter à l’envie de « quelques truffes sous la peau » ou d’ « une gousse d’ail, une branche de thym ou de laurier ». La cuisson passe ensuite par deux étapes : la première sur le feu, de chaque côté de la cuisse, puis la seconde dans le four.
Vous avez dit, sans mauvais goût, poules de luxe, par définition, c’est ce qui s’entretient pendant 365 jours ?
Christian Duteil, La Radio du Goût, décembre 2022