les vignes de suresnes ©DR
Le réchauffement climatique change la donne pour les vins franciliens en ce début d’hiver aussi doux que pluvieux. Il apporte un ensoleillement plus important dans la région et favorise le sucre dans les raisins, ce qui permet de plus alcooliser les vins. L’enjeu est de taille au moment de trinquer comme de récolter…
« Le vin ! Ce n’est pas seulement un produit agricole. Ce n’est pas une boisson comme une autre. C’est le fruit de la terre transformé naturellement en breuvage, c’est la marque d’une contrée, c’est le signe d’un art de vivre, » écrit Raoul Marc Jennar dans « Menaces sur la civilisation du vin »,
La ville de Suresnes a été pionnière dans sa volonté de replanter des vignes, qui datent de 1984. De nombreuses autres communes, associations ou même particuliers l’ont suivi dans ce projet. Il existe aujourd’hui 200 parcelles cultivées en Île-de-France (contre 130 en 2001). » De gros acteurs, avec d’importants moyens, investissent. C’est sûr, il y a un intérêt dans le terroir francilien. Avec le réchauffement climatique, ils se disent que cela peut valoir le coup,, affirme Emmanuel Monteau. Depuis quinze ans, ce dernier cherche à créer une IGP, une appellation géographique protégée, francilienne. Selon lui, déjà de très bons vins sont à trouver dans le Val-d’Oise, comme à Taverny ou à Pontoise. Et quand on lui demande quel sera le futur du vin francilien, ce dernier n’est pas forcément optimiste : « Il sera soit identitaire soit commercial. » Quel dilemme !
Fin septembre, le vigneron Gilbert Marchois n’a pas fait de récolte. Avec 90% de pertes, inutile d’essayer de sauver les quelques grappes qui restent accrochées à ses 225 pieds de vigne situées à Coulommiers, en Seine-et-Marne.
« La vigne a subi toutes les affres. D’abord avec le gel puis le mildiou (le champignon des vignes, ndlr). D’habitude à cette époque, on fait les vendanges, les dernières remontent à 2020 où nous avions fait 120 litres de vin blanc », explique le président et Grand maître de la Confrérie des Coteaux Briards.
Cette association fait revivre ces vignes plantées il y a environ 30 ans dans ces terres argileuses. Le hic, c’est qu’il ne connaît pas ses cépages. Il est ainsi à la recherche de cépages résistants et pense remplacer ces pieds, petit à petit, par du chardonnay. « On traite au minimum. Les traitements que l’on utilise sont la bouillie bordelaise et le souffre, c’est tout ce que l’on a. Normalement on traite fin juillet mais il y avait des trombes d’eau, cela lave les feuilles et rend les produits inefficaces », poursuit-il.
L’objectif de ce passionné est d’augmenter progressivement la qualité du vin. Car s’il rappelle que la région fut grande productrice de vin jusqu’à la fin du XIXe siècle, il s’agissait avant tout de vin qui servait à couper l’eau qui n’était pas aussi potable qu’aujourd’hui.
Le champagne seine-et-marnais aussi touché et ses bulles doivent composées avec le chaud et le froid du réchauffement climatique conjugué au gel.
Plus au nord-est, toujours en Seine-et-Marne, ce sont des parcelles de champagne qui sont plantées. « Là où il y avait 10 grappes, il n’y en a que 6 ou 7. Et sur certaines il y a du pourri, déplore Laurent Derot, un viticulteur à Saâcy-sur-Marne. On a perdu 30 à 40% de notre récolte à cause du gel de printemps et ensuite avec la pluie et le mildiou, on a perdu encore 10 à 15%. »
Pour lutter contre ce champignon de la vigne, le viticulteur a dû multiplier ses traitements par deux. D’après le Comité Champagne, le rendement est en baisse de 60%, cela dû aux aléas climatiques.
« Une année normale, on va récolter entre 10 et 12 000 kg. Là je pense qu’on sera à une moyenne de 4 000 », explique Vincent Naudé, représentant de l’association viticole champenoise.
Pour conclure sur une note optimiste et une bonne nouvelle dans cet horizon morose : les expéditions de champagne ont bondi de 40% au premier semestre 2021, soutenues notamment par la demande aux États-Unis et au Royaume-Uni.
Le 5 octobre 2000 a été créée une « association des vignerons franciliens réunis », destinée à promouvoir le renouveau du vignoble francilien. Sa mission est de « favoriser la connaissance et le progrès de la vigne et du vin à Paris et en Île-de-France ». Elle a publié en novembre 2004 la première carte touristique de la vigne et du vin en Île-de-France, disponible à l’Espace du Tourisme d’Île de France. À noter pour l’anecdote pétillante que trois communes de Seine-et-Marne (Citry, Nanteuil-sur-Marne et Saâcy-sur-Marne) sont incluses dans le périmètre de l’appellation Champagne. Thomery, également située en Seine-et-Marne, a conservé longtemps une tradition de culture de raisin de table chasselas qui se conservait longtemps l’hiver grâce à une technique particulière. Aujourd’hui, les projets de plantation se multiplient. Avec rigueur et détermination. Les vignes se plantent, les méthodes s’harmonisent, la qualité s’améliore, l’appellation » vin de pays « est l’étape suivante logique. La perspective d’une dénomination Vin de Pays de Paris et d’Ile-de-France est une étape importante de la création d’une véritable identité francilienne autour de l’oenotourisme que le conseil régional cherche à développer en synergie avec les communes concernées. A la vôtre !
Christian Duteil/janvier 2022/laradiodugout.fr