L’un des quatre départements qui forment l’actuelle région Champagne-Ardenne, la Haute Marne, côtoie à l’est la Meuse et les Vosges et au sud la Côte d’or et entre Lorraine et Bourgogne une frange de la Haute-Saône de la région Franche Comté. Chaumont, Préfecture de la Haute Marne, est située à un peu plus de deux heures en train Corail de Paris.
Ah, j’oubliais… Chaumont est aussi la patrie de l’Idéal Chaumontais… Une pâtisserie locale composée d’une meringue aux amandes garnie d’une crème pralinée. Malgré différents séjours ici, je ne me suis toujours pas régalé de ces saveurs si douces que j’imagine avec gourmandise. Mais revenons à ce pays et pourquoi toutes ces précisions géographiques ? Parce que rien ne semble attirer le visiteur, ici, dans cette région bien calme où dit-on parfois, il ne se passerait pas grand-chose…
Mais cette première impression n’est pas forcément la bonne. D’abord le pays est harmonieusement vallonné et quelques plateaux qui façonnent le relief ne sont pas passés inaperçus bien longtemps. Celui de Langres caractérise un lieu qui donna longtemps un accent grave à nos bulletins météo quotidiens. Le plateau de Langres et sa bonne ville de Langres où naquit Denis Diderot serait ainsi l’endroit le plus froid de France… mais ce n’est pas sur ce détail qu’il faut s’arrêter. Langres, c’est aussi un fromage très apprécié des connaisseurs. Mais, comme dirait la pub : ce n’est pas tout…
Du côté de Langres, la Marne prend sa source tandis que tout au nord du département, le général De Gaulle termina ses jours en achevant une réussite à La Boisserie à Colombey-les-deux-Eglises. Un autre personnage tout aussi démesuré est inhumé dans le petit cimetière d’une commune qui s’appela Nogent-le-Roi puis sous la Révolution, Nogent-Haute Marne puis Nogent-en-Bassigny et enfin plus récemment après avoir absorbé quelques communes environnantes : Nogent.
Ici repose celui qui rêvait tant de voir Syracuse, l’île de Pâques et Kairouan, celui qui avait offert à Zizi Jeanmaire son truc en plumes (musique de Jean Constantin). Ivrogne et pourquoi pas. Ami de Ferré, Cocteau, Mouloudji, les frères Jacques, Montand, Greco, Reggiani. Il avait même fait chanter l’inoubliable Michel Simon, avec sa gueule de lotte percutée par un mérou :
Mémère, tu t´en souviens, de notre belle époque,
C´était la première fois qu´on aimait pour de bon.
A présent, faut bien l´dire, on a l´air de vieux schnocks,
Mais c´qui fait passer tout, c´est qu´on a la façon.
Et il avait même tourné dans Tant qu’on a la santé du grand Pierre Etaix.
Bernard Dimey est mort sans avoir atteint le demi-siècle, en 1981 mais pas un 10 mai, là-haut sur la Butte Montmartre où il vivait, une rue porte désormais son nom. Cette parenthèse refermée comme un livre, revenons à Nogent avec cette fois une référence au cinéma des années Trente, le cinéma de Gabin. Dans le film La bête humaine, très librement adapté de Zola en 1938, Roubaud, sous chef de gare du Havre, incarné par Fernand Ledoux, jaloux comme une teigne, trouve par hasard dans un petit appartement non loin de la Gare Saint-Lazare, un canif et heureux de sa trouvaille, il affirme le sourire aux lèvres : « mais, c’est un nogent ! »
Oui un « nogent » car pour les amateurs de belles lames, il existe Opinel, en Savoie, Laguiole dans l’Aveyron et à Thiers et bien sûr Nogent en Haute-Marne. Ici même au XIX° Siècle plus de 10.000 ouvriers-paysans façonnaient, meulaient et polissaient des lames dont la qualité et la réputation étaient reconnues bien au-delà de notre vielle Europe.
La coutellerie et la cisellerie de Nogent a connu plus d’un Meilleur Ouvrier de France. Un couteau, bien entendu, ce n’est pas qu’une lame même si elle frise l’excellence, il y a aussi tout le reste, le mécanisme, l’assemblage rigoureux de différents éléments, le manche de différentes matières telle que la corne ou le bois de cerf. Couteaux fermants, de chasse, art de la table, coupe-cigares, ouvre-lettres, taille-plumes pour l’écriture, fins ciseaux à broder pour demoiselles à marier ou nécessaire de couture pour mère de famille ou grillon du foyer, lourds ciseaux de tailleurs dont les mâchoires dévorent l’étoffe sans faire un pli, objets de luxe en ivoire qui ont toujours la côte, en écaille, ou en métaux précieux, instruments chirurgicaux dont le tranchant doit être sans bavure…
On fabrique encore et toujours du Nogent avec ce même savoir faire, ce même amour de la belle ouvrage transmis de génération en génération. Et quelque chose me dit qu’on y reviendra avant longtemps. Une visite au musée de la coutellerie et cisellerie de Nogent s’impose vraiment car la main de l’homme est sans contexte le plus bel outil de la création. Le musée est situé au cœur même de la petite ville, Place du général de Gaulle, vous n’aurez aucun mal à le trouver et plusieurs artisans couteliers dans la commune ou ses environs pourront vous proposer des produits dans la pure tradition nogentaise. Le prix ? Aussi cher sinon plus qu’un smartphone mais ça dure beaucoup plus longtemps.
visite guidée du Musée de la Coutellerie au micro de la Radio du Goût
Pour tout savoir de Nogent et même bien davantage… cliquez sur ce mot magique.
Gérard Conreur pour La radio du goût – Mars-Avril 2015
A suivre, une toute prochaine escapade en Haute-Marne…
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