BRODNICKI Pascal (TV Polonaise)

Ce jeune Français est devenu le cuisinier vedette de la Pologne: chaque samedi, il rassemble 4 millions de téléspectateurs pour une émission inspirée de la star britannique Jamie Oliver.

Pascal Brodnicki, 30 ans, cultive le style rock’n roll de son modèle. Pas de blouse blanche. Gel dans les cheveux, jean délavé et chemise flottant sur un maillot, il veut ressembler à tout un chacun, même s’il est plutôt beau garçon.

« Je voulais casser le stéréotype du cuisinier avec sa toque et ses thermomètres dans sa petite poche, je voulais ne pas faire peur aux gens », explique-t-il.

« Je ne fais pas de la gastronomie, je fais une cuisine maison », ajoute-t-il, devant son plan de travail, avant de se lancer dans une petite sauce aux champignons et à l’ail.

Pour donner une touche d’authenticité, il ne tourne pas ses émissions dans un studio mais dans la vraie cuisine d’une villa des faubourgs de Varsovie. « Pour les Français, les recettes peuvent apparaître un peu basiques, mais pour les Polonais c’est encore quelque chose de nouveau », dit-il. « Je veux leur donner envie de cuisiner chez eux ».

« Il ne faut pas oublier qu’ici sous le communisme, l’orange et le citron n’étaient disponibles qu’à la période des fêtes », dit-il.

Et les aliments un peu plus sophistiqués, comme les aubergines ou les avocats, ne se sont imposés que depuis environ cinq ans.

Il sait parfaitement que ses téléspectateurs ne roulent pas sur l’or. Il souligne lui-même que les retraités ne touchent que 150 à 200 euros par mois.

Alors s’il leur propose d’essayer des figues farcies au foie et au jambon, il leur suggère aussi de remplacer la mozzarella de bufflonne d’une de ses recettes par du bundz, un fromage local au lait de brebis.

Son but est de développer l’imagination des gens pour qu’ils mangent mieux. « Une fois, une vieille dame est venue me voir en me disant: Merci de m’avoir appris à faire les spaghettis carbonara.

Depuis mon mari veut en manger deux fois par semaine », confie-t-il ravi.

Devant la caméra, Pascal, comme il est appelé en Pologne, retrouve sa dextérité de professionnel quand il s’agit de hacher menu les oignons. Il raconte les produits, s’extasie devant la belle  couleur jaune d’un poivron et vante les saveurs du basilic.

Virevoltant dans sa cuisine, il parle avec un fort accent français, tout en agitant les mains comme un Italien. « Au début, ma station de télé a eu des doutes car je parlais vraiment polonais comme une vache espagnole », avoue-t-il.

Si son père est polonais, sa mère est française. Il est né et a grandi à Lille. Et il n’a pas parlé sa langue paternelle pendant son enfance. Il n’a connu la Pologne qu’à 14 ans, lorsque son père est venu y fonder une entreprise après la chute du communisme.

Attiré par la cuisine, il est passé de maison en maison pour apprendre son métier en France. « Quand je sentais que je n’apprenais plus rien, je démissionnais », dit-il.

C’est par hasard qu’il est devenu une star de la télévision. Des producteurs polonais cherchaient à copier le format de l’émission de Jamie Oliver sur la BBC. Ils l’ont découvert dans une école culinaire privée en Pologne où il donnait des cours.

« Pourquoi ils m’ont choisi? Ils avaient besoin d’une personne assez cool, il y a aussi l’exotisme de mon accent, et puis je cuisine pas mal quand même », sourit-il.

Maintenant, Pascal Brodnicki est reconnu partout en Pologne. En revanche, quand il revient à Lille, il redevient un citoyen normal.

Mais il n’a pas envie de revenir vivre en France, qui est pour lui un vieux pays où rien ne change et où l’initiative est engluée par la bureaucratie. « A Lille, cela fait 20 ans que je vois la même architecture », se plaint-il.

« Ici, c’est le pays de la liberté, même si c’est très difficile pour les gens », dit-il. « Mais ici, j’ai pu avancer tout seul, je peux mieux gagner ma vie, j’ai pu avoir une meilleure vie ».

Jean-Luc TESTAULT (AFP)