Parmi les fromages d’Auvergne, le Cantal, si fruité, qui se déguste jeune, entre-deux ou vieux, et pourquoi pas avec quelques grains de muscat, voire quelques fraises de France, le Saint-Nectaire à la texture souple et tendre, au délicat goût de noisette, le Bleu d’Auvergne à la pâte persillée, à la saveur intense, typée et affirmée, et enfin la Fourme d’Ambert, le plus doux des fromages bleus de cette si belle région d’Auvergne et sur laquelle nous nous arrêterons. Faut-il préciser que les quatre fromages cités plus haut bénéficient tous d’une Appellation d’Origine Protégée (AOP).
L’Auvergne, une très ancienne province peuplée à l’époque de la Gaule par les Arvernes, l’un des peuples gaulois parmi les plus évolués et les plus prospères. Un Arverne célèbre : Vercingétorix, bien sûr et la fameuse bataille de Gergovie, en 52 avant J.C. relatée dans la Guerre des Gaules.
A cette époque, on consomme déjà de la fourme qui entre dans le rituel des druides. Quelques siècles plus tard, les pierres dîmales, pierres taillées au fronton des églises, témoignent de la qualité des produits du terroir de l’époque : charcuteries variées, œufs, et …fourmes.
« Fourme » est une appellation francisée d’un terme occitan utilisé pour désigner des fromages de garde du Massif central. On voit dans fourme, forma en latin et donc forme. Ambert, ville du Puy-de-Dôme, s’étend au pied des monts du Livradois et du Forez, lieu de production de la Fourme ou plutôt, à l’origine, de son négoce et de sa distribution sur les foires et marchés de la ville. Ambert est aussi le berceau de la famille des Montgolfier dont l’un des ancêtres, captif des Turcs, ramena de sa captivité, en douce, le secret de la fabrication du papier. Le brigand Mandrin fit également un passage dans la ville et plus tard, en 1913, le romancier Jules Romain immortalisa la cité et sa voisine, Issoire, dans Les Copains, dont Yves Robert réalisa un film éponyme sorti sur les écrans en janvier 1965 et dont Georges Brassens s’inspira pour la chanson « les copains d’abord ».
La zone de production AOP de la Fourme d’Ambert se situe donc de part et d’autre de la ville de Clermont-Ferrand, en zone de montagne entre 600 et 1.600 mètres d’altitude, là où pousse une flore riche aux mille arômes, de la gentiane jaune au thym serpolet sans oublier le genet pointu, le trèfle des Alpes et tant d’autres encore qui conféreront à la Fourme d’Ambert toutes ses qualités organoleptiques. Les vaches laitières, des Montbéliardes, qui se régalent de tels bouquets pâtureront au minimum 150 jours par an, le reste du temps quand la météo ne s’y prête pas, elles seront alimentées de fourrages provenant exclusivement de la zone d’appellation.
Les différentes étapes de la fabrication de la Fourme d’Ambert ? Un parcours en 28 jours qui va, dans ses grandes lignes, de la préparation du lait avec l’ajout du Penicillium Roqueforti et de la présure, une enzyme présente dans l’estomac des jeunes veaux et leur permettant de digérer le lait.
Cela va permettre le caillage. Suivra ensuite le travail en cuve où le lait coagulé va être découpé et brassé jusqu’à l’obtention de petites billes, les grains « coiffés », c’est-à-dire revêtus d’une fine pellicule qui va protéger le grain de caillé et permettre de maintenir des ouvertures entre les grains, ouvertures indispensables au développement du bleu.
Après séparation du petit-lait, les grains de caillé sont ensuite répartis dans des moules favorisant un égouttage qui, dans une atmosphère plus chaude, va se poursuivre un jour ou deux. Les fromages ne sont pas pressés pour y préserver les ouvertures. Après le salage, vient le piquage réalisé quatre jours après l’emprésurage, de longues aiguilles percent des cheminées d’aération dans la fourme afin d’y favoriser le développement du bleu. Viendront ensuite tout l’art, la patience et le savoir-faire du maître affineur…
Si le plateau des fromages d’Auvergne entre Cantal, Salers et Bleu d’Auvergne, reste le plus bel écrin de la Fourme avec sa forme si caractéristique et son goût si subtil, la Fourme d’Ambert se cuisine, si l’on peut dire, à toutes les sauces, chaude ou froide. Elle trouve sa place dans les salades, sur les pizzas, les croque-monsieur, car la Fourme gratine avec bonheur. Enfin les bonbons à base de pomme, miel et Fourme d’Ambert, clafoutis et même ces madeleines salées que n’aurait pas renié Marcel Proust. Faut-il pour autant les tremper dans le thé ? Pourquoi ne pas essayer plutôt un Saint-Pourçain, frais et vif aux arômes d’acacia et de pêche…
Gérard Conreur – La radio du goût – mai 2017
Quelques liens pour aller plus loin : Fromage AOP Fourme d’Ambert , pour un dépaysement dans le Puy-de-Dôme Auvergne Tourisme, des recettes à foison autour de Fourme d’Ambert et puis pour en savoir un peu plus sur les vins d’Auvergne.
Grand merci aux collaborateurs de la Société Fromagère du Livradois où les photos de la fabrication de la Fourme d’Ambert ont été réalisées, à Florian Viallard et son épouse, producteurs de lait à Saint-Sauveur-la Sagne, à Thierry Chelle, chef du restaurant Les Copains et qui, nous régalant à la Fourme d’Ambert mais pas seulement, est devenu le nôtre (de copain). Bernard et Germaine Maisonneuve, qui nous ont chaleureusement accueillis au col de Supeyres sont également remerciés. Merci encore aussi à Anne-Cécile Runavot et Marc Chaumeix, grâce à qui la Fourme d’Ambert n’a (presque) plus de secrets pour nous.