mur de salades ©DR
Pour l’instant, elles commencent tout suite à germer en France, mais quel tapage médiatique… Les « fermes verticales » vont nous sauver… de tout risque de famine. On en mettra tout près des villes et même dedans : les légumes frais pousseront à proximité du consommateur. Enfin, une agriculture « miraculeuse », « intelligente », « urbaine », « durable » et « connectée », glisse lyrique et en verve « Le Canard Enchaîné ».
Venu de la finance, Gilles Dreyfus, cofondateur de Jungle, la start-up qui a édifié à Château-Thierry (Aisne), la première vraie ferme verticale de France. Elle fait 11 mètres de hauteur pour 5500 m2 de surface cultivée sur plusieurs étages. Elle est high-tech, son environnement contrôlé de A à Z. Pas de terre, mais des substrats à base de laine de roche, de tourbe ou encore de fibres de coco. Température, humidité, apports en engrais, en eau, taux de dioxyde de carbone dans l’air, éclairage par LED, ventilation mécanique : tout cela est surveillé en permanence par des capteurs et des logiciels.
Certes, difficile d’y faire pousser des patates, des carottes des navets, bref tous ces légumes racines qui ont besoin de s’enfoncer dans le sol. Ce n’est pas pratique et surtout pas lucratif. Le patron de Jungle nous la joue presque modeste : » On apporte quelque chose de complémentaire à l’agriculture traditionnelle ».
Ce n’est autrement pas avec des portions de basilic, de ciboulette et de roquette que les citadins seront repus. Même si quelques jeunes pousses arrogantes affirment construire le « système alimentaire de demain », comme Agricool, avec ses barquettes de fraises ou de persil produites dans des conteneurs, ou Infarm, avec ses petits placards de culture – qu’elle appelle aussi « fermes verticales – implantés dans des grandes surfaces.
N’empêche que, encore balbutiante, l’agriculture lève beaucoup de capitaux. De l’Amérique du Nord à l’Asie, les usines à plantes font partout rêver. Une étude de marché prévoit jusqu’en 2026 un taux de croissance de près de 25% par an dans le monde. Mais ne nous racontons pas de salades. Au Japon, pays qui en compte 200, plus de 70% n’étaient pas rentables en 2018. Elles souffrent en prime d’une tare difficile à cacher : elles sont extrêmement gourmandes en énergie. « Toutes les études pointent du doigt leur très forte consommation en électricité » , souligne le Centre d’Etudes et de prospective du ministère l’Agriculture, très dubitatif devant cette vogue « techo-industrielle ». Les technophiles promettent d’utiliser des panneaux photovoltaïques, histoire de se mettre au vert.
Christian Duteil/juin 2021/laradiodugout.fr