où est la bonne pomme? ©DR
Un fier pommier sur ses affiches de campagne et des camions de pomme à tous ses meetings lors de la présidentielle de 1995 : Jacques Chirac l’avait bien compris, la France est un pays de croqueurs de pommes qui n’a rien ici de l’arbre du « fruit défendu », symbole du péché pas seulement de gourmandise.
Avec 17 kilos consommés par an et par foyer, en moyenne, c’est le fruit préféré des Français. Sauf, que les grosses coopératives gardent bien de dire que leur production s’est standardisée et industrialisée au fil des ans et des modes/demandes fruitières.
Dans les années 60, la grande distribution a exigé de garnir ses étals toute l’année avec, des pommes tape à l’oeil, parfaitement calibrées, bien fermes, à la peau lisse sans défaut et pouvant encaisser les multiples transports et manutentions. Et surtout à longue conservation.
Résultat des courses dans notre société de consommation : l’essentiel de ce que nous avalons est constitué de vieilles pommes, pour certaines âgées de plus d’un an. Une prouesse rendue possible par la sélection génétique et par un séjour en atmosphère contrôlée. Exit, donc, les 400 espèces anciennes cultivées en France.
Deux variétés taillées sur mesure pour les grandes surfaces, la Golden et la Gala, totalisent à elles-seules la moitié des 1,3 million de tonnes de pommes mises dans les paniers lors de la dernière récolte. Et ce n’est pas en se raccrochant à la branche d’une appellation d’origine contrôlée (AOC) qu’on est certain de croquer une authentique pomme de terroir. « L’âme d’un gourmand est tout entière dans son palais » (Jean-Jacques Rousseau)
La revue « Que choisir » a épluché menu, en ce début d’année 2022, la Golden du Limousin, la seule qui peut se targuer d’une AOP (Appellation d’Origine Protégée). Alors que dans les pommeraies du Limousin poussaient une dizaine de variétés locales, comme la Sainte Germaine, le Museau de lièvre ou la Chatoune, l’Institut national de l’origine et de la qualité (Inao) n’a accordé l’AOP qu’à la Golden Delicious. Prime à la productivité et à l’apparence du produit au détriment du goût et de la saveur du fruit ? Le comble digne d’un monde absurde à la Kafka est que les pommes locales évincées de l’AOP, ne peuvent plus, elles, être revendiquées comme étant du Limousin !
Deux grosses coopératives se partagent les 80 000 tonnes annuelles vendues sous AOP. Une production de masse qui, comme dans tous les vergers industriels, est abondamment traitée… avec 35 traitements sanitaires en moyenne. Avec, à la clé, une récolte ultra-standardisée.
Roule, ma pomme ! C’est toujours pour notre pomme. même si son ambassadeur Chirac n’étant plus là pour l’afficher…
Christian Duteil/mars 2022/laradiodugout.fr