La Stella Artois
1926 marque l’année de naissance de la Stella Artois telle que nous la connaissons. A l’origine, il s’agit d’une bière de Noël. Dans le ciel de la nativité brille l’étoile qui tel un talisman céleste a guidé les rois mages. Stella sera donc la traduction de toutes les qualités de cette étoile : brillance, scintillement et transparence. Dans le monde de la publicité des années vingt, on emploiera parfois aussi le mot de cristal pour qualifier la transparence d’une bière voire même au Royaume Uni, le mot de diamond. Artois, c’est naturellement le nom de famille de Sébastien Artois mais pour bien comprendre l’histoire, revenons au blason de la marque. Au dessus de la mention : « anno 1366 » figure une sorte de trompe. Il s’agit en fait d’un cornet dont la traduction en néerlandais donne « Den Hoorn ». Dès 1366, les registres communaux de Leuven font état d’accises, cet impôt féodal indirect levé sur la production de la brasserie den hoorn. Cette brasserie est en fait un ancien relai de messagerie, la Poste du temps jadis, et les cochets utilisaient ce cornet pour avertir de leur passage. On ignore s’ils sonnaient toujours trois fois ? Si vous êtes philatéliste ou si vous observez les boites aux lettres de nos voisins belges, vous constaterez que cette trompe Den Hoorn figure toujours dans l’imagerie de la Poste belge. C’est un peu son logo. C’est dans cette brasserie que, trois siècles et demi plus tard, le 13 juin 1708, Sébastien Artois deviendra maître brasseur et finalement un peu moins de dix ans plus tard maitre des lieux.
Les installations Stella Artois que l’on traverse en autocar car les distances sont grandes peuvent être visitées. La brasserie où la Stella Artois a vu le jour en 1926 existe toujours bien que désaffectée mais les immenses cuves de brassage en cuivre sont toujours là, témoins désormais silencieux de ces années folles où la bière coulait à flot sauf aux Etats-Unis où sévissait alors et jusqu’en 1933, la prohibition.
L’appellation Interbrew née à la fin des années 80 résulte de la fusion des marques Artois et Piedboeuf qui brasse notamment la Jupiler, respectivement second et premier dans le domaine brassicole belge. A cette époque, les deux sociétés ont déjà absorbé plusieurs brasseries, en Belgique. La Leffe dès 1952 par Artois mais aussi des brasseries hollandaises et françaises comme l’Armentiéroise Motte-Cordonnier dans les années soixante-dix. Les Brasseries Bass et Lamot passent sous le contrôle de Piedboeuf. Sous l’impulsion d’Interbrew d’autres acquisitions suivront : Belle-Vue, Hoegardeen. Interbrew a très soif certes mais il observe également le monde. Nouvelle étape en mars 2004 qui voit la fusion d’Interbrew avec le géant brésilien, Companhia de Bebidas das Americas. L’ensemble formé, Inbev, devient alors le premier groupe mondial. Quatre ans plus tard, nouvelle turbulence dans une chope, Anheuser Bush est racheté par le groupe belgo-brésilien pour la modeste somme de 52 milliards de dollars mais au fond, quand on aime, on ne compte pas.
Pour l’anecdote, Anheuser Busch, c’est l’américain aux quarante variétés de bière (Budweiser et Busch, par exemple) et autres liqueurs de malt. Anheuser Busch, c’est une légende qui voit le jour à Saint-Louis dans le Missouri. Une brasserie en faillite reprise par un immigré allemand petit fabricant de savons. La guerre de sécession est la toile de fond. L’allemand va croire au progrès, la réfrigération, la pasteurisation de la bière et son embouteillage intensif de sorte que sa bière soit disponible partout, de la côte est à la côte ouest, de New York à San Francisco.
Ainsi va la mondialisation de notre planète et nous sommes bien loin de Leuven et de son maître brasseur Sébastien Artois dont le portrait présente quelques ressemblances avec Jean Sébastien Bach. Notre blonde pétillante n’en finit pas d’aiguiser tous les appétits. Jusqu’où tout cela ira-t-il ?
Avec l’émergence des pays tiers, les grandes manœuvres ne font que commencer.