L’endive, une plante de la famille très nombreuse des astéracées. Ses copains et copines de jeux sont en vrac la laitue, l’artichaut, le salsifis ou encore le topinambour et pour compliquer le tout, ajoutons à cette joyeuse troupe, le chrysanthème, le pissenlit ou le …tournesol. L’endive est pratiquement le fruit du hasard. Elle serait née au milieu du XIX° siècle. Peut-être en 1846, dans la forme que nous lui connaissons ? Dans cette seconde moitié du siècle, l’Europe est le premier continent d’influence du monde, boosté par la Révolution industrielle.
Tout change à toute vitesse, le chemin de fer se développe et réduit les distances, triomphe du fer, de la fonte. Des techniques nouvelles voient le jour et avec un colonialisme auquel on ne prête que des vertus, l’horizon du vieux continent semble sans cesse repoussé. C’est aussi la grande vague migratoire vers l’Ouest pour ceux qui veulent se donner une autre chance ou qui n’ont pas d’autres choix. Comment ne pas évoquer en effet la dernière grande famine apparue en Irlande dans le milieu des années 1840 avec ce mildiou qui attaquant la pomme de terre, va causer au moins un million de morts ? Un autre million d’Irlandais optera lui, pour le nouveau monde. Après l’Irlande et l’Ecosse, le continent est touché à son tour, Belgique, Flandre française, Pays-Bas, etc.
Face à cette catastrophe alimentaire sans précédent où des familles entières meurent de faim au sens propre du terme, l’invention de l’endive apparaît anecdotique. Au départ, un agriculteur de la région de Bruxelles, observe que quelques racines de chicorée stockées et plus ou moins recouvertes de terre ont donné naissance à un bourgeonnement de feuilles blanches et denses parfaitement comestibles. Un membre éminent, comme on disait alors, de la société d’Horticulture de Belgique, M. Bréziers, étudie ce phénomène et définit en 1846 les bases du forçage de l’endive – Pardon du chicon dit de Bruxelles -. Le terme d’endive naîtra plus tard d’un négociant parisien qui n’avait pas retenu le nom du Chicon de Bruxelles. Dans le Nord-Pas de Calais mais aussi outre Quiévrain, on emploie toujours ce terme de « chicon » tandis que les Flamands parlent de Witloof (Feuille blanche).
Aujourd’hui, la France, avec majoritairement les régions du Nord-Pas de Calais et de la Picardie mais aussi de la Bretagne, est le premier producteur européen d’endives : 175 000 tonnes environ et les Français en consomment en moyenne 6 kilos par ménage et par an. L’endive se place au 4ème rang des légumes les plus consommés dans notre pays après la tomate, la carotte et le melon (chiffres de 2011 et en Kg). Eh oui, tout de même…
C’est bien gentil tout ça mais au fait comment fait-on de l’endive ? Au commencement était la graine que l’on sème en mai. Cette graine ne donnera qu’une endive mais, pour le moment, elle ne produit qu’une sorte de carotte que l’on récoltera 5 ou 6 mois plus tard voire plus et donc, grosso modo, entre septembre et novembre. C’est cette carotte pour le moins rustique qui nous intéresse. Pour permettre à l’endive de remplir son rôle de « salade d’hiver », la carotte sera stockée au froid ou mise en forçage selon les besoins du consommateur. Pour que la racine – notre carotte – produise son endive, elle trouvera place avec ses copines, serrées l’une contre l’autre, dans les grands bacs, et dans un lieu bien sombre, à l’abri de la lumière, c’est la salle de développement. Pas facile d’y faire une photo de nos petites endives même au flash, j’en témoigne, car buée et humidité vous compliquent un peu la vie. Ici, température contrôlée et humidité élevée et pour nos endives, un séjour de 21 jours. Vous comptez juste, cela trois semaines. Bravo !
Etapes ultimes dont une partie au grand jour cette fois, cassage, sélection et bien sûr conditionnement. Premier acte, il faut casser l’endive, autrement dit séparer l’endive de la racine, de sa carotte. Cela se déroule avec une machine rotative qui tranche mais dont le chargement se fait à la main. L’opérateur me confiait qu’il faisait une bonne trentaine de chassis par jour. Respect, ce n’est pas un job facile. Il fait froid, l’endroit est humide et on entend à peine les programmes de France Bleu Nord que diffuse vaille que vaille un petit transistor. L’endive, alors libérée de sa carotte nutritive, est acheminée par tapis roulant vers la salle de conditionnement. Elle sera filmée en sachets individuels ou en cartons de vrac et expédiée dans la foulée en France ou en Europe. Bref, l’endive, c’est tout de même un très gros boulot et lorsqu’on observe les « promos » des grandes surfaces où l’endive – origine France – est parfois proposée à 0,99 euros le kilo, on se demande bien par quel miracle de tels prix pour le moins indécents sont possibles ? La réponse s’observe à l’Est où les salaires et charges sont bien moins élevés qu’en France. Oui, l’endive peut se caractériser alors par une certaine amertume…
Fiche pratique de l’endive crue : Valeur nutritive pour 100 g : 95% d’eau, protéines : 1 g, matières grasses : 0,1 g, glucides : 3,2 g, 15 calories. Excellente source d’acide folique, bonne source de potassium. Contient de la vitamine C, de l’acide pantothénique, riboflavine et zinc. Propriétés : apéritive, dépurative, diurétique, digestive, cholagogue (elle facilite l’évacuation de la bile vers l’intestin), minéralisante et tonique. L’endive est blanche, avec des feuilles serrées nacrées, pointes jaunes, sa saveur est rafraîchissante, son croquant inimitable. Il existe une endive rouge résultant de l’hybridation avec le radicchio rouge italien. Ne pas cuire ce type d’endive, perte de gout et décoloration. J’ai noté cinq façons principales de cuire l’endive blanche : à la vapeur (10 mn), à la poêle (25 mn), à l’eau (20 mn) ou à l’étouffée (25 mn) et enfin la cuisson au micro-ondes
particulièrement pratique et rapide (5 à 10 mn). On ne lave pas les endives, on découpe la base oxydée sur quelques millimètres, éventuellement les feuilles tachées. Quelques gouttes de citron en début de cuisson peuvent préserver la blancheur de l’endive. Après cuisson à l’eau, vapeur ou micro-ondes, on égouttera soigneusement les endives d’abord dans une passoire longuement et ensuite en les déposant sur un papier absorbant ou mieux un torchon de cuisine (propre, naturellement…) surtout si on veut préparer les emblématiques Chicons au gratin. Pardon, je voulais parler des Endives à la Flamande… Tout simplement pour préserver l’homogénéité et la texture de votre béchamel que l’eau résiduelle des endives pourrait délayer. Sachez enfin que l’endive existe sous plusieurs présentations : Spéciales four ou à braiser, salade ou encore spéciales apéritif.
Dernière née de la gamme après l’endive rouge, la « Carmine », voici la Barbucine, une chicorée Barbe de Capucin aux feuilles longues, frisées, dentelées et jaunes dont la découpe rappelle un peu le pissenlit. Son goût est délicat, accompagnée de quelques cerneaux de noix, de petits cubes de Roquefort et d’une fine vinaigrette, « c’est fin, c’est très fin, ça se mange sans faim » comme le dit si bien Anémone dans Le Père Noël est une ordure.
Un autre mot d’auteur pour terminer, celui de Daniel Bouquillon, endivier à Vélu dans le Pas de Calais et qui nous a si aimablement ouvert ses portes : « Dans le chicon, tout est bon… ! »
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Bonjour Monsieur CONREUR
Bravo pour cet article très bien écrit et très pédagogique, vous avez repris de façon remarquable mes propos cela est certainement le fruit de longues années d’expérience
Je m’empresse de partager cet article sur les réseaux sociaux afin de faire profiter mes amis de votre article
Au plaisir de vous lire sur votre blog
Bien sincèrement
Daniel bouquillon