A Saint-Cyprien en Dordogne, Bertrand Hardouin a su imposer le poisson dans l’assiette périgourdine, d’ordinaire réputée pour son confit de canard. Le créateur du Cro Marin s’est fait une place avec un concept ramené d’Allemagne : la poissonnerie restaurant.
« J’ai découvert ce concept à Munich, en 97. En Allemagne, on mange rapidement le midi : tu poses les fesses sur le bar et tu manges ton poisson en vitesse. En France ce genre de concept existe en bord de mer, mais seulement en saison. Alors je suis venu installer ça dans le Périgord », raconte-t-il. En août 2008, il lance sa poissonnerie, le Cro Marin. Six mois plus tard, le restaurant ouvre ses portes.
Si l’idée lui est venue d’Allemagne, c’est à l’Ile de Ré que Bertrand s’est jeté à l’eau. Il a exercé sur l’île pendant une dizaine d’années, dans un restaurant de poissons. « Quand j’ai passé le pont de l’Ile de Ré, ça a été comme un déclic, je respirais à plein poumons l’air marin », se souvient-il les yeux dans le vague. « Ici, en Dordogne, on est loin de la mer, mais on essaie vraiment de faire partager cette passion du poisson à nos clients ».
Mais l’Ile de Ré n’est pas le Périgord. Ouvrir une poissonnerie dans la région du canard était un pari risqué.
Si les autres poissonneries ont fermé, c’est sûrement parce qu’elles ne faisaient pas restaurant. Et les habitants de la région ne pensaient pas que le poisson était simple à cuisiner. « C’est ce qu’on a voulu expliquer avec ce concept », raconte le chef en marinière. Pari réussi. Les clients du restaurant passent souvent par la poissonnerie pour retrouver un produit qu’ils ont aimé et le cuisiner à la maison. C’est cet échange qui plait à Bertrand. Il transmet sa passion du poisson aux habitants de Saint-Cyprien, qui représentent la grande majorité de sa clientèle. En cuisine, il veille toujours à ne pas cacher le poisson sous une sauce, afin qu’ils puissent déterminer les différences de goût entre chaque poisson.
Pour Bertrand, les produits de la mer sont bien plus enrichissants à cuisiner qu’une viande.
Bertrand Hardouin prend plaisir à cuisiner tous les types de poissons, même les plus simples, comme le maquereau. Mais il admet que les poissons nobles, comme le bar, le turbo ou la lotte, sont les plus intéressants à travailler. Et il a un faible pour un poisson en particulier…
Si ce fameux Saint Pierre est en sauce, Bertrand conseille de l’accompagner d’un vin avec de la rondeur, un peu gras, style Pouilly fumé. S’il est grillé, préférer un blanc sec, type Entre-deux-Mers.
Des sushis dans le Périgord ?
La passion de Bertrand n’a pas de frontières. A chaque voyage, des envies germent dans son esprit. « J’aimerais bien faire des sushis et des makis, par exemple ». Mais il se lancera seulement s’il sait les préparer exactement comme au Japon. Pas pour tout de suite donc, car mener une poissonnerie et un restaurant est « un travail de longue haleine ». « Et on est pas nombreux! ». Il travaille avec sa femme et deux employés. Mais la fatigue n’entame pas sa passion. « Ce qui est sûr, dit-il, c’est qu’avec ce métier, on s’ennuie pas! » au pays de Cro-Magnon*.
Ecoutez notre reportage dans la poissonnerie de Bertrand
Amélie Petitdemange pour la Radio du Goût / Avril 2016.
*« Cro-Magnon » est initialement un fossile d’homme préhistorique découvert dans une grotte aux Eyzies-de-Tayac, à quelques kilomètres de Saint Cyprien. Le nom de Cro-Magnon est utilisé pour désigner les hommes préhistoriques d’Europe entre 40 000 et 10 000 ans avant notre ère. Il a donc inspiré Bertrand pour l’enseigne de sa poissonnerie-restaurant.