La gastronomie russe se réinvente et gagne ses lettres de noblesse. Plus question d’accommoder des légumes venus des Pays-Bas ou de servir du foie gras français. Aujourd’hui, les chefs russes font leur marché dans leur pays et font preuve d’une grande « imagination locale ».
Et grâce à qui ou à quoi ? A l’embargo décrété par le pays il y a 4 ans.
La Russie a en effet interdit en 2014 l’importation de la plupart des produits alimentaires occidentaux, principalement de l’UE, et provenant des pays qui la sanctionnent pour l’annexion de la péninsule ukrainienne de Crimée et son soutien présumé aux séparatistes de l’Est de l’Ukraine.
Du coup, les chefs russes se sont creusés la cervelle pour innover et trouver sur place des produits à cuisiner.
Andreï Chmakov, chef du restaurant Savva à Moscou, l’explique : « nous avons appris à travailler avec des produits simples et locaux et à être plus créatifs. On a vu apparaître des fermiers, des pêcheurs qui vendent en Russie et non en Norvège ou au Japon (…) On a retrouvé des chèvres, du topinambour et on a commencé à fabriquer du foie gras, même s’il n’est pas aussi fin que le vôtre. A la place du turbot, on travaille la plie de la mer Noire, avec des pommes de Krasnodar venues du sud du pays. On a même découvert qu’il existait plusieurs espèces de pommes de terres. C’est plus qu’un pas en avant, c’est un bond « . Le chef propose par exemple un brunch au caviar grande classe et revisite les plats russes avec ces pelminis (ravioles) croustillants à base de canard fermier.
« Sur le terrain, explique Jörg Zipprick, cofondateur de La Liste, les agriculteurs russes ont engagé des consultants italiens et français pour améliorer leur production. Ils arrivent à sortir de « belles choses« . Et les classes moyennes de Moscou et de Saint-Pétersbourg se laissent séduire.
Le Savva situé à Moscou dans l’hôtel Metropol à deux pas du Kremlin, a été sacré meilleur établissement de Russie par le classement français La Liste. Il faudra y aller goûter sa salade Waldorf (photo) ou la Koulebiaka, une sorte de tourte aux poissons et la langue de boeuf marinée pendant 3 jours et cuite pendant 48 heures à basse température avant d’être grillée.
Sa cuisine, Andreï Chmakov la définit comme un mélange de traditions russes d’avant la révolution de 1917 et de touches nordiques, avec « beaucoup de poissons, d’oeufs de poissons et de légumes-racines ».
Au total, 26 restaurants russes figurent parmi les 1.000 meilleurs au monde, selon le classement 2019 de La Liste conçu à partir d’une compilation de guides et de critiques gastronomiques du monde entier. Effet inattendu de « l’embargoût » !
Isabelle Monrozier/décembre 2018/laradiodugout.fr