En France, et ailleurs, plusieurs pionniers ont ouvert la voie, dans un grand élan de naturalité, privilégiant le produit plutôt que la recette. Au delà des fermes-auberges, certains chefs vont très loin. Dossier de Patrick Flet…
Marc Veyrat, à Manigot en Savoie, cuisinier paysan, qui a bâti sa réputation en arpentant les chemins de montagne. Avec sa ferme et ses productions naturelles et biologiques, il fait vivre son Relais & Châteaux à 80% en autarcie…
Tandis que, dans la Drôme, Jean Luc Rabanel milite pour la « greenstronomie, Armand Arnal, au cœur de la Camargue, à Arles. Il cuisine chaque semaine tout ce que son potager mitoyen de 2 hectares lui permet de cueillir, 200 variétés de fruits, fleurs, herbes sauvages et légumes en biodynamie.
C’est une génération de cuisiniers maraîchers, préparant des plats avec ce qu’ils ont planté, comme le parisien Claude Colliot qui cultive et récolte en Val de Loire, Alain Passard bien sûr, Christophe Hay, Michel Bras, Régis Marcon en Haute Loire, Edouard Loubet en Provence, mais aussi des cuisiniers pêcheurs, des cuisiniers éleveurs,…
De jeunes chefs se mettent à les suivre, pour montrer tout l’intérêt d’une cuisine locavore, comme Florent Ladeyn dans les Flandres, ou la prometteuse chef Amélie Darvas qui s’est posée à Aponen, un nid d’aigle perché à Vailhan dans l’Hérault…
Un nouveau choix de vie professionnelle, à l’image de Nadine Faraud dans leur ferme-auberge d’Utelle.
En Belgique aussi, à Liernu, le chef (2*Michelin), Sang Hoon Degeimbre a réalisé son rêve en créant son étonnant restaurant sur 5 hectares, où la cuisine suit le rythme du potager et de ses 400 variétés .
DE L’AUTRE CÔTÉ DE L’ATLANTIQUE
Le nouveau concept «farm to table» prend aussi forme, et s’ouvre sur un mouvement de fond de grande ampleur, car la clientèle aspire à se reconnecter directement avec la nature, en redécouvrant la ferme et en voulant vivre en ville comme à la campagne. Bonjour veau, vache, cochon, couvée…!
Parmi les pionniers, le Costa Rica adepte du tourisme vert, et récemment les États Unis.
Depuis plusieurs années, le chef américain, Dan Barber a ouvert un restaurant, le Blue Hill, situé à Stone Barns, dans la Hudson Valley près de New York, qui est aussi une exploitation de 32 hectares, où vivent une quarantaine d’employés pour s’occuper des moutons, chèvres, poules pondeuses et poulets, dindes, oies, cochons et abeilles. La Ferme de Stone Barns forme, en outre, les jeunes générations et les apprentis fermiers au savoir-faire de l’agriculture biologique.
Dernièrement, c’est le mouginois Laurent Halasz, ex-concepteur de la chaîne Fig and Olive, qui vient d’ouvrir à Los Angeles, son premier Farmhouse en association avec un agriculteur de la région, Nathan Peitso, des fermes de Kenter Canyon. « La vedette aujourd’hui c’est Nathan, le fermier exécutif, avec ses produits, et non plus le chef exécutif » souligne Laurent Halasz. C’est le fermier exécutif qui balise les menus en fonction de la production de la ferme (6 produits par mois). 70 personnes travaillent sous ses ordres, et servent 200 couverts en service continu, à des prix modérés (24 dollars le midi, et 45 dollars le soir). Pour Laurent Halasz la logique est même poussée à l’extrême: « on part de la graine de blé, on moud, on fait la farine puis on livre le restaurant pour fabriquer nos pains, nos pâtes et nos pizzas par exemple. Nous réhabilitons aussi des graines anciennes ». A quand des fermiers exécutifs dans les restaurants ?
C’est surtout un retour à la simplicité. Une tendance qui prend sérieusement racine!
Patrick FLET/ Demain à la une. L’observatoire des Etoiles du Monde, du Tourisme et de la Gastronomie/ Printemps 2019