Certains l’ont surnommé « le sorcier de la
ganache ». Robert Linxe, 77 ans, fondateur de la Maison du Chocolat bientôt trentenaire, n’y voit aucune sorcellerie. Tout juste une « obsession de la qualité » qui lui fait dire : « Si ce n’est pas très bon, alors, c’est mauvais ».
Droit, mince, il a ce port altier des Basques de Bayonne, que tempère une exquise attention pour ses employés (sa « famille »). C’est en posant la main sur l’avant-bras qu’il suggère de ne pas abuser de la cannelle. « Elle ne doit pas
tuer le goût du chocolat ».
C’est au Vénézuela, en Equateur, au Salvador, à Trinidad que son fournisseur cueille les fèves de cacao « qui ont un vrai caractère ».
D’où les noms simples et évocateurs de ses spécialités : « Marroni » pour cette mousse de marrons glacée enrobée d’une fine couverture de chocolat, « Guaranaco » pour une association entre grands crus de cacao et vins de terroir.
Ou « Guayaquil » pour cette ganache nature, la première de la Maison du Chocolat.
Il avait 47 ans quand il l’a fondée, après avoir travaillé pendant trois ans avec Gaston Lenôtre, pâtissier-traiteur mondialement connu. Mais son chemin a été semé d’embûches, comme celui de tout grand artisan d’art.
Apprentissage « à la dure », non payé, travail de nuit pendant deux ans, puis école de chocolatier en Suisse pour laquelle son père s’est saigné aux quatre veines. Et la rencontre avec « Monsieur Menu », pâtissier à Neuilly.
Il lui devra d’exercer ses talents dans un grand restaurant parisien, puis de reprendre une pâtisserie-confiserie, dont il mettra sept ans à résorber le déficit. Mais il sait aussi ce qu’il doit à ses parents qui l’ont élevé dans l’amour des « belles et bonnes choses », encourageant sa passion pour la musique et le violon.
« Ils m’ont appris la délicatesse. On ne peut pas faire du bon chocolat si on est une brute ».
C’est ainsi que l’a compris le prestigieux Comité Colbert qui a accueilli la Maison du Chocolat parmi ses quelque 70 maisons d’excellence.
Mais quand on demande à Robert Linxe si, après 12 magasins (5 à Paris, 1 à Cannes, 2 à Tokyo, 2 à Londres et 2 à New York), il envisage encore de
s’étendre, il répond simplement : « On n’ouvre pas pour le plaisir d’ouvrir, seulement pour régaler les gens ».
Thierry Bourgeon – Décembre 2007-
Robert Linxe fête les trente ans de la Maison du Chocolat au micro de Thierry Bourgeon.