Jean Anthelme Brillat-Savarin, auteur de la « Physiologie du goût », roi des gastronomes, magistrat, est né dans le Bugey, à Belley, le 1er avril 1755.
Issu d’une famille de notables et de juristes, Anthelme reçoit une éducation caractéristique de la bougeoisie campagnarde de l’époque. Sa mère était un cordon bleu accompli. L’apprentissage du droit et des lettres côtoie la pratique de la chasse, les travaux des champs et des vignes. Les conversations de salon s’enrichissent du parler des paysans et des petites gens.
En 1789, il devient homme politique en qualité de Député aux Etats Généraux. Il se fait connaitre en grande partie grâce à un discours public sur la défense de la peine de mort. Il manifeste sa modération à l’introduction de la Terreur dans la bonne ville de Bellay dont il fut le maire.
En 1793, dénoncé pour « Fédéralisme et modérantisme », il s’enfuit pour la Suisse puis pour les Etats-Unis. En Suisse il trouve un refuge doré d’abord à Lausanne, puis à Moudon dont le bailli était un parent. Un passage de la « Physiologie du goût » vante les mérites de la cuisine vaudoise lors de son séjour au Lion d’argent à Lausanne, où il déguste « le bon gibier des montagnes voisines et l’excellent poisson du lac de Genève, accompagné à volonté et à discrétion, d’un petit vin blanc limpide comme de l’eau de roche, qui aurait fait boire un enragé ».
De là, il part pour les Pays-Bas, puis les États-Unis nouvellement créés. A New York, de 1794 à 1796, il gagne sa vie en donnant des leçons de français et devient le premier Violon du John Street Theater. Il séjourne également à Philadelphie et à Hartford.
Il ne reviendra sur sa terre natale que sous le Directoire.
En 1797, il est de retour en France aux Armées du Rhin, secrétaire d’Augereau.
En 1800 il est nommé conseiller à la cour de cassation, fonction qu’il occupera jusqu’à sa mort.
C’est au sein de cette assemblée que Brillat-Savarin va devenir le législateur et le poète de la gourmandise.
Il adopte son second nom de famille après la mort d’une tante nommée Savarin qui lui lègue toute sa fortune à la condition qu’il adopte son nom.
Célibataire, il s’interesse à l’archéologie, l’astronomie, la chimie et bien sûr la gastronomie.
Il apprécie les bons restaurants, reçoit beaucoup chez lui à Paris et cuisine lui même quelques spécialités comme l’omelette au thon et le filet de boeuf aux truffes. Il partage son temps entre ses fonctions parisiennes et des séjours gourmands en sa gentilhommière de Vieu-en-Valromey. Là, il confectionne lui-même avec ses soeurs ses plats préférés : les plats du Bugey (la noix de veau farcie aux morilles du Valromey, la timbale de queues d’écrevisses à la Nantua…). Tiraillé entre son attrait pour Paris, la dame en blanc (sa cousine par alliance) Mme RECAMIER, et sa terre natale « le Bugey », il développe sa science du bien manger.
A partir de 1821, Brillat-Savarin travaille sur la rédaction d’un livre : « la Physiologie du goût ou Méditations de gastronomie transcendante ; ouvrage théorique, historique et à l’ordre du jour dédié aux Gastronomes parisiens, par un Professeur, membre de plusieurs sociétés littéraires et savantes ».
Une sorte de traité, dans l’esprit de l’époque, qui permettait d’ériger la gastronomie en science.
Le succès dépassa toute attente. À peine le livre avait-il paru qu’on le plaçait à côté des Maximes de La Rochefoucauld et des Caractères de La Bruyère: «Livre divin, écrivait Hoffmann, qui a porté à l’art de manger le flambeau du génie.» Et Balzac lui-même de ratifier ce jugement.
Ces méditations gastronomiques sont une série de causeries, mêlées d’aphorismes et d’anecdotes. Il y donne des conseils pour bien préparer, par exemple, le chocolat chaud :
« Il suffit de le préparer la veille dans une cafetière en faïence et de le laisser. Le repos de la nuit le concentre et lui donne un velouté qui le rend bien meilleur ».
Mais surtout, parmi les premiers, Brillat-Savarin, avec son contemporain Grimod de la Reynière, donne à la gastronomie une dignité culturelle. Dans sa « Méditation III », il la désigne comme lieu de croisement de savoirs complexes et divers : l’économie, l’agriculture, la biologie, la politique, la médecine, et même la chimie.
Ce livre paraît en deux volumes le 12 décembre 1825, deux mois avant le décès d’Anthelme Brillat-Savarin le 2 février 1826.
Il trouve la mort, à l’âge de 71 ans, à l’issue d’une messe célébrée à la mémoire de Louis XVI dans la basilique Saint-Denis au cours de laquelle il avait pris froid.
Il est enterré au cimetière du Père Lachaise.
La maison de campagne de Brillat-Savarin est situé dans le Valromey à Vieu-en-Valromey. Elle appartient au Docteur Frédéric Brillat-Savarin qui est le petit-neveu de l’auteur de la Physiologie du goût. Brillat Savarin avait pour habitude de boire de son vin appelé le « Côte-Grêle » et de manger chaque année le jour de la foire au village le pâté traditionnel de forme carée appelé pour ce motif l’oreiller de la Belle Aurore, la mère de M. Brillat-Savarin, Claudine-Aurore Récamier.
Thierry Bourgeon
Quelques citations de Anthelme Brillat Savarin…
« Dites-moi, que préférez-vous, un vin de Bordeaux ou un vin de Bourgogne ? – – Voilà, Madame, une question pour laquelle j’éprouve tellement de plaisir à scruter, que je reporte semaine après semaine le prononcé du verdict. »
« Celui qui reçoit ses amis et ne donne aucun soin personnel au repas qui leur est préparé, n’est pas digne d’avoir d’amis. »
« Pour avoir de l’âme, il faut avoir du goût ».
« Ceux qui s’indigèrent ou qui s’enivrent ne savent ni boire ni manger »
« Après le troisième verre, le meilleur vin n’éveille plus qu’une sensation obtuse. »
« Le vin est le monarque des liquides. »
« Les animaux se repaissent ; l’homme mange ; l’homme d’esprit seul sait manger. »
« Convier quelqu’un c’est se charger de son bonheur pendant tout le temps qu’il est sous votre toit. »
« Dis-moi ce que tu manges, je te dirai ce que tu es. »
« Mettez un homme fatigué devant un repas copieux, il va manger avec effort et se sentira peut-être mieux. Donnez-lui un verre de vin ou d’alcool, il va immédiatement revenir à son meilleur état : vous le voyez revivre sous vos yeux. »
« Heureux chocolat, qui après avoir couru le monde, à travers le sourire des femmes, trouve la mort dans un baiser savoureux et fondant de leur bouche. »
« La cuisine est le plus ancien des arts parce que Adam naquit à jeun. »
« Qui dit truffe prononce un grand mot qui réveille des souvenirs érotiques et gourmands chez le sexe portant jupe, et des souvenirs gourmands et érotiques chez le sexe portant barbe.
Cette duplication honorable vient de ce que cet éminent tubercule passe non seulement pour délicieux au goût, mais encore parce qu’on croit qu’il élève une puissance dont l’exercice est accompagné des plus doux plaisirs. »
(La Méditation VII, sur les truffes).
« La découverte d’un mets nouveau fait plus pour le bonheur du genre humain que la découverte d’une étoile. »
« La destinée des nations dépend de la manière dont elles se nourrissent. »
« La table est le seul endroit où l’on ne s’ennuie jamais pendant la première heure. »
« Le plaisir de la table est la sensation réfléchie qui naît de diverses circonstances de faits, de lieux, de choses et de personnes qui accompagnent le repas. »
« Un dessert sans fromage est une belle à qui il manque un oeil. »
« Qu’est-ce que la santé ? C’est du chocolat ! »
« De toutes les qualités du cuisinier, la plus indispensable est l’exactitude. »
« On devient cuisinier mais on naît rôtisseur. »
Le fromage Brillat-savarin fut nommé en son honneur.
la gentilhommière de Brillat savarin à Vieu en Valromey existe-elle encore ?