Le nouveau pari des champignons de Paris.
Principal champignon cultivé, le champignon de Paris est présent sur les étals tout au long de l’année. Faiblement calorique, riche en eau, il présente d’excellentes teneurs en cuivre, potassium et vitamines du groupe B. Ses fibres spécifiques, des bêta-glucanes, lui confèrent des atouts contre l’excès de cholestérol sanguin et le diabète de type 2. Bien qu’il ne puisse être classé parmi les végétaux du fait de son mode de développement original, en cuisine il se substitue aisément aux légumes.
Le champignon de Paris représente une excellente source d’oligo-éléments, en particulier de sélénium, substance entrant dans la composition de nombreuses enzymes aux propriétés antioxydantes et qui jouerait un rôle protecteur contre les maladies cardio-vasculaires et certains cancers.
Signe particulier mais fort déroutant pour les locavores franciliens, le champignon de Paris – parce qu’il n’est pas un label protégé – peut provenir de toute la France, voire même de l’étranger. Sa culture est pratiquée aujourd’hui dans 70 pays et représente environ 40 % de la production mondiale de champignons. La Chine possède 10 millions d’éleveurs et domine le marché de ces champignons avec 70 % de la production mondiale.
Le monde est aujourd’hui un village global ; ce village, une vaste foire à consommer des produits disponibles en toutes saisons pour répondre aux demandes du client roi. Le grand marché mondialisé a remplacé les immenses carrières à champignons jadis autour de Paris La production francilienne de ce champignon réputé s’est alors réduite comme peau de chagrin et représente désormais moins d’un pour cent de la consommation nationale. « C’est une filière emblématique de notre territoire, très liée à nos paysages. Ce qui est particulier, c’est que la filière est passée de ses années d’apogée à presque plus personne en très peu de temps. En culture traditionnelle, il n’y en a plus qu’en Ile-de-France, dans les Hauts-de-France et dans le Val-de-Loire », explique Muriel Le Loarer, responsable de la filière champignon en Île-de-France et chargée de mission à la Safer.
Angel Moioli fait partie des cinq derniers cultivateurs franciliens. Champignonniste de père en fils, c’est son grand-père, venu d’Italie, qui s’est lancé dans cette culture du seul champignon qu’on peut élever chez soi de manière artisanale, pour sa consommation personnelle,.. à condition toutefois de se procurer un bon substrat.
« Avant j’étais à Montesson, mais je ne pouvais plus y travailler à cause de l’urbanisation. Il faut trouver des carrières souterraines accessibles et cela nécessite de l’investissement au départ. J’ai 60 ans, j’ai encore envie de travailler, tant que le physique tient. J’espère tenir jusqu’à mes 70 ans », raconte-t-il dans les souterrains de sa carrière à Évecquemont, dans les Yvelines.
Ce passionné, « dernier homme des cavernes champignonnistes » et fier de l’être, travaille sans relâche depuis sa jeunesse dans les carrières. Sans employé, il récolte lui-même l’ensemble de sa production et vend 500 kg de champignons de Paris par semaine. L’essentiel de sa production est vendue via les Amap (les associations pour le maintien d’une agriculture paysanne) ainsi qu’aux restaurateurs et aux particuliers.
« Le champignon de Paris n’a pas besoin de lumière, il lui faut de l’air, donc une ventilation et une température constante. Entre le moment où je le plante et le récolte, il faut bien compter cinq semaines. Le champignon est un filtre, il garde l’odeur du lieu où il pousse. Le calcaire et le composte lui donnent un goût. On défend ce patrimoine-là », poursuit ce cultivateur.
Les crises successives que nous traversons ne cessent de nous montrer la vulnérabilité de notre système agro-alimentaire et l’absolue nécessité de retrouver une souveraineté agricole. Longtemps hégémoniques, les champignonnistes de la région parisienne n’ont jamais pensé à la création d’un label « champignons de Paris » pour répondre à la concurrence de plus en plus féroce. Angel Moioli souhaiterait les protéger des concurrents chinois qui inondent le marché été comme hiver en bradant les prix et pouvoir différencier ses produits artisanaux de qualité avec une appellation « produit en caves ou en carrières ». Muriel Le Loarer rappelle que le terme « champignons de Paris » est tombé dans le domaine public, comme le chou de Bruxelles. « La dénomination ne peut donc plus être protégée par une appellation mais il est possible de créer une marque collective pour défendre le savoir-faire traditionnel ». Mais surtout, cette responsable de la filière à la Safer, pointe le manque de substrat français, cette matière sur laquelle poussent les champignons.
« Tout le monde se fournit en Belgique, et c’est très cher, sauf deux gros producteurs qui fabriquent le leur. Mais cela nécessite des investissements colossaux. C’est le point principal pour que la filière puisse perdurer. L’autre point, c’est le renouvellement des générations et des carrières. Certaines sont abandonnées. Il faut une volonté politique et il faut trouver des porteurs de projets », détaille-t-elle sur France 3 régions.
Comme par exemple Angel Moioli qui sait fort bien que son métier va évoluer et qu’il ne pourra pas continuer d’assurer sa production seul dans son coin… de carrière. Plein de projets en tête, il aimerait s’agrandir et cultiver de nouvelles variétés comme le pied de mouton. Bref, il souhaite le changement dans la continuité… sans dénaturer le produit champignon qui n’a (presque) plus de Paris que le nom..
Christian Duteil/janvier 2023/laradiodugout.fr