Le caillé frais de la Provence « Leï brousso dou Rouvé ! » Avant les années 1960, c’est à ce cri en langue provençale que les marchands de Brousse du Rove proposaient leur fromage d’exception dans les rues de Marseille. Traditionnellement préparé à partir du lait de chèvres du Rove, une race caprine extrêmement rustique symbole des collines sèches de l’arrière pays provençal, ce fromage a une pâte onctueuse, friable et dépourvue de sel. Le lait est chauffé à 90°C environ puis laissé refroidir jusqu’à 70°C. On lui ajoute de l’alcool acétique, et en quelques secondes, la masse que l’on continue à remuer avec soin coagule. Après cette opération, le fromage frais est récupéré dans un moule en forme de cornet, et vendu ainsi sur les marchés, dans les restaurants locaux ou via les AMAP (Association pour le Maintien d’une Agriculture Paysanne). On pourra le déguster jusqu’à 4 à 5 jours après sa fabrication, et apprécier son intensité et sa longueur en bouche, extraordinaire pour un fromage si frais. La brousse du Rove est aujourd’hui victime de son succès et depuis quelques années, on retrouve sur les étales des brousses au lait de chèvres alpines ou même au lait de vaches ! Mais au Rove, localité dont les chèvres et le fromage portent le nom, la résistance s’organise. Au Printemps 2007, un groupement de 8 bergers chevriers de la région se constitue et s’engage dans une démarche pour l’obtention d’une AOC, en espérant la valider bientôt. Pour l’établissement du cahier des charges, un travail de fond est mené avec des experts de l’INAO (Institut national de l’origine et de la qualité) sur la définition du territoire, qui sera finalement étendu aux zones sèches pâturées des Bouches du Rhône, sud Vaucluse et bordure ouest du Var. C’est un point essentiel, puisque le goût typique du fromage est le résultat conjugué de deux facteurs : – la typicité de la race : les chèvres du Rove produisent peu de lait (250 à 400 litres/chèvre/an), mais il a un bon rendement fromager (200 grammes de fromage par litre) ; – et l’alimentation des animaux : dans le maquis, les chèvres du Rove se nourrissent de plantes rustiques – argelas (Genista scorpius) et chêne kermès (Quercus coccifera) – qui donnent son goût typique à la brousse. Le cahier des charges imposera donc une brousse produite à partir de lait cru de chèvre du Rove exclusivement, pâturant au minimum 6 heures tous les jours de l’année. C’est la garantie d’un fromage typique au goût original. A terme, l’AOC Brousse du Rove devrait être identifiable à son cornet bleu.
(Source : Fondation Slow Food pour la Biodiversité)